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vital journal viral #3
du 29 mars au 4 avril 2020
Ce journal a débuté le 15 mars 2020 ; tenu au jour le jour, il sera mis en ligne chaque dimanche sur ce site jusqu’à la fin du confinement.
Dimanche 29 mars 2020
Si tout s’arrête, si l’agence Relief devait mettre la clé sous la porte à la fin du confinement, il me faudra trouver un autre travail. Simon a une solution à me proposer : coiffeur. Il y aura de la demande, tu as du temps en ce moment et il doit bien y avoir des tutoriels sur la toile, argumente-t-il. Et la poupée à coiffer de ma fille.
Ça, c’était hier soir. Ce matin, j’ouvre un œil, agréablement surpris qu’il soit plus tard que les autres jours. J’avais oublié le passage à l’heure d’été. Nuit normale, donc. Sauf que j’ai rêvé d’Arno Bertina. Aurait-il un quelconque lien avec ce passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été ? Je ne le saurai jamais puisque je ne me souviens de rien d’autre sinon d’avoir eu l’impression de parler avec lui au petit matin, dans sa ville.
J’ai beau tout faire pour limiter mes lectures sur Internet, il est difficile de ne pas voir passer des noms, des visages, des listes, des chiffres, des statistiques. Hier, une jeune fille de seize ans est morte. Ce matin, un homme politique faisait la une. En ce milieu d’après-midi, c’est le chanteur Christophe qu’on vient d’hospitaliser en urgence. Et les gens comme nous, pas connus, il y en a combien actuellement à l’hôpital, dans un couloir, à la morgue, dans l’incinérateur ? C’est quoi leur nom à toutes, à tous ?
J’essaie de ne pas sombrer. Je mets en ligne mon journal de la semaine dernière, le partage sur les réseaux sociaux. Je lis quelques articles du Monde sur ces couples qui vivent leur histoire d’amour à distance. Il y a ceux-là, notamment, qui tous les jours mangent devant leur écran car ils avaient fait le choix de ne pas habiter ensemble. Ils me touchent. Je les imagine se préparer un repas chacun de leur côté, dresser la table, changer de serviette, orienter la caméra de l’ordinateur, remplir leur assiette, un verre. Je les entends dire : C’est prêt, tu viens ?
Voilà plus de deux semaines que je ne m’étais pas rasé. Comme d’autres, j’ai imaginé que je ne le ferais qu’une fois le confinement terminé. Mais ça n’était pas très agréable pour les enfants. Ni pour moi d’ailleurs. Et puis, nous avions convenu de nous appeler, elle et moi. Alors j’ai sorti la tondeuse ; après la douche, je me suis parfumé et habillé comme pour un rendez-vous. Car j’avais rendez-vous. Et je suis sûr que dans l’écouteur, elle avait dû sentir dans ma voix que je m’étais fait beau, que je ne m’étais pas laissé aller, que je voulais rester plus que présentable : désirable. Même sans l’image. Avec juste ma voix en reflet.
J’ai encore oublié d’appeler X, d’écrire à Y. J’ai encore oublié de lire tel truc, d’écrire tel machin. Avant d’être enfermé, j’aurais culpabilisé. Depuis quelques jours, je suis plus indulgent avec moi. Je me dis que derrière chaque acte manqué, il y a une cause. Et qu’il faut accepter que la cause soit simplement que ce n’était pas encore le moment.
Lundi 30 mars 2020
Le moral, en ce moment, ressemble à un dessin d’enfant. Sur la feuille, il y aurait des dizaines de montagnes à gravir et dévaler, à gravir et dévaler. Ou à un yoyo. Le pire ne serait pas de devoir le faire descendre et remonter mais de rembobiner le fil. Et je ne sais pas si les montagnes sont russes.
Cet après-midi me sont revenues deux chansons des années 90 de Stephan Eicher qui avait « des hauts », avait « des bas » et voulait « déjeuner en paix ». Là, maintenant, je les entends différemment.
Ce soir, les enfants voulaient facetimer celle qui est confinée dans une autre ville que la nôtre et qu’ils connaissent un peu. Je ne savais pas si c’était le bon moment et je n’étais pas en forme. Montrer mon visage fermé devant un ordinateur, je ne le sentais pas. Je leur ai simplement dit qu’il était déjà un peu tard, ce qui n’était pas faux.
Heureusement, aujourd’hui, il y a eu cette lettre d’Annie Ernaux pour nous faire nous sentir moins seuls. Elle est adressée au Président Macron. C’était ce matin sur France Inter et elle était lue par Augustin Trapenard. Je la reproduis intégralement pour celles et ceux qui n’auraient pas écouté l’émission :
« Monsieur le Président,
« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian, Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la banderole d’une manif en novembre dernier – L’état compte ses sous, on comptera les morts – résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux, tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.
Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » – chanson, encore, d’Alain Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale.
Annie Ernaux
30 mars 2020 »
Mardi 31 mars 2020
Petite nuit. Ma fille butte sur des exercices en maths. Mon fils me demande des conseils pour son devoir d’Histoire-Géo. Ce matin, ma patience est mise à rude épreuve. Les enfants ne sortent pas assez, ils ont de l’énergie à revendre, posent question sur question sans attendre la réponse et se chamaillent sans cesse. Peut-être un peu plus que les autres jours. C’est dur pour eux. Mais aujourd’hui il me manque quelques heures de sommeil pour supporter notre vie à trois, la répétition des mêmes gestes, des mêmes jeux. Il manque aussi une pièce supplémentaire où s’isoler. Cette quatorzième journée de confinement ne passe pas bien et je le vois à ma façon de m’adresser à eux. J’ai les phrases sèches des mauvais jours. Je m’en veux. De cette marque de faiblesse.
Pas de nouvelles d’elle qui a mal dormi et qui travaille beaucoup. La vie sentimentale est mise à rude épreuve elle aussi.
Il faut sortir, il faut sortir, il faut sortir ! Il leur faut courir, crier, taper dans un ballon. Avant qu’il n’aillent dormir chez leur mère.
C’est notre nouveau rythme. Lundi, mardi, jeudi et vendredi pour moi. Mercredi, samedi et dimanche pour elle. Je lui ai fait cette proposition qu’elle a acceptée. Il faut tenir maintenant.
C’est la cheville qui n’a pas tenu. Je venais de renvoyer le ballon quand elle s’est tordue. Deux cracs. Un hématome a apparu d’emblée. Glace, arnica, massages, anti-inflammatoires, bandage. Le confiné boitera désormais (et pas uniquement sur Déboîtements). Ce n’est pas qu’une figure de style. Mais ce n’est pas si grave comparé à la tragédie sanitaire actuelle.
Des nouvelles d’elle, épuisée. Deux jours que je n’avais pas entendu sa voix au téléphone et presque une semaine que je ne l’ai pas vue sur l’écran de mon ordinateur.
Mercredi 1er avril 2020
Premier avril : ne te découvre pas d’un coup de fil !
Entorse, foulure, cassure, ligaments étirés ? La douleur était vive cette nuit mais ce matin, grâce aux anti-inflammatoires, au Dafalgan Codéine, et cheville bandée, je parviens à me mouvoir jusque devant la boulangerie, mais sans mon autorisation de sortie. Je m’en rends compte trop tard. Entorse au règlement en vigueur ? Je pense alors à cet homme qui s’est fait verbaliser après avoir sorti sa poubelle sans son papier rempli, à cette femme qui allait acheter des serviettes hygiéniques qui ne feraient pas partie des produits de première nécessité, à ces soignants qui étaient partis en urgence à l’hôpital et n’avaient pas le bon papier sur eux. Je pense aussi à ces policiers qui refusent de verbaliser et pourraient se faire “punir” pour ça.
Entre deux mails, je recherche quelles expressions contiennent le mot « cheville » afin de comprendre ce que le corps a à me dire de cet accident. Ai-je les chevilles qui enflent ? De qui suis-je la cheville ouvrière ? De celle avec qui je suis en cheville ? De celui à qui je n’arriverais pas à la cheville ? Autant essayer de faire entrer une cheville ronde dans un trou carré, m’a répondu Huxley.
La lettre de l’agence a été envoyée ce matin aux libraires. Dix-huit jours après la fermeture de leur magasin. Dix-huit jours d’hésitations, de corrections, de reformulations. Et pourtant, cette lettre est courte. Comme si chaque mot était un jour qui pesait.
Quand je sens que ça tangue, je n’écoute plus la radio, j’évite de m’informer, je slalome sur Internet, sur les réseaux sociaux. Je ne voudrais plus rien savoir. Un défi quasi impossible pourtant car, pour cela, il faudrait couper la box, supprimer toutes les notifications que le téléphone reçoit. Ce que je ne fais pas. Je vois tout de même passer des choses mais ne vais pas au-delà des punch-line, des chiffres, des citations. J’efface les morts sans nom, sans visage, sans personne pour leur tenir la main une dernière fois, les avis de décès, les funérailles sur WhatsApp. J’efface la haine, les actes d’homophobie, les règlements de compte, les violences conjugales, la bassesse, les messes basses, les gosses battus. J’efface les communiqués ministériels, la communication gouvernementale, les TGV sanitaires, le ridicule hôpital militaire. J’efface les bénéfices et les dividendes des millionnaires. J’efface les frontières qui se ferment, les promesses qui ne seront pas tenues, les paroles, les paroles, le vocabulaire des communicants. J’efface l’ironie, le cynisme. J’efface le mépris, les injures, la vulgarité. Je n’efface pas ma colère, je n’efface pas mon dégoût, je n’efface pas ma honte d’elles et d’eux.
Malgré l’entorse, je continue à m’activer, à faire. Je fais. Je fuis. Là, j’aimerais prendre mes jambes à mon cou puisque mon pied je ne peux. Je me sens comme Siméon dans Les Saisons de Maurice Pons, coincé dans son village de fortune, sauf que lui, c’est son orteil qui s’infecte.
Écoutant Agnes Obel, je me demande s’il est bien utile de poursuivre ce journal. Faut-il que j’efface ça aussi ?
Un appel et ça va tout de suite mieux. En raccrochant, je repense à cette ancienne publicité du groupe Orange quand il s’appelait encore France Télécom : « Le bonheur, c’est simple comme un coup de fil ». Allez, encore une bonne quinzaine de coups de fil confinés comme celui-là et le bonheur sera peut-être même dans le pré.
Jeudi 2 avril 2020
Dans Corderie publié à L’Atelier Contemporain il y a deux ans et dans La ville soûle qui aurait dû paraître chez publie.net le 11 mars, une figure revient régulièrement. C’est ma grand-mère paternelle.
Hier, j’ai lu le texte que Laurent Herrou a écrit à propos de la sienne. « (…) aujourd’hui je suis heureux que tu sois morte. Avant ce qui nous touche depuis quelques semaines et qui, nécessairement, t’aurait emportée toi aussi. Tu vivais dans un EHPAD (…) », écrit-il. Sa grand-mère, je l’avais rencontrée. Elle avait un peu plus de cent ans quand elle est morte. J’avais eu la chance de loger plusieurs fois dans la demeure familiale, autrement appelée « Le Château », dans le Cher. Je sais à quel point la mort de sa grand-mère a bouleversé Laurent et ce qu’il a écrit hier me remue encore. Ce qu’il a écrit là, dans un autre contexte, pourrait être difficilement entendu, recevable. Mais ces quelques mots-là (« je suis heureux que tu sois morte »), en ces moments, en ce moment, oui, je les comprends puisqu’ils font écho aux miens. Oui, moi aussi je suis heureux que mon grand-père soit mort il y a presque quatre ans parce que fragile comme il était sur la fin, il n’aurait pas tenu le coup. Mais ma grand-mère, elle, rejoindra-t-elle bientôt la longue liste publiée chaque jour, et qui grossit, grossit ? Comme moi, elle s’appelle Grossi. Mais elle n’aura son nom nulle part si jamais elle aussi devait mourir dans sa chambre, tuée par le virus. Et je ne serai sans doute pas là pour lui tenir la main, la regarder droit dans les yeux, des yeux desquels coulerait pourtant le bonheur de se savoir liés, et contempler une dernière fois son visage ridé que j’ai tant de fois caressé, ce visage qui, enfant, me faisait penser à une carte IGN, ce visage sur lequel je suivais du bout des doigts sa route parcourue, ses bosses et ses crevasses, ses buttes et ses ravins, ses sentiers de randonnée dans les Vosges et ses chemins dans les bois du Territoire de Belfort, ses allées et venues entre la cuisine, sa chambre et la salle à manger. Je ne serai pas là. Celle qui aura été comme une deuxième mère, qui ne réalise sûrement pas ce qui se passe, qui, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis de nombreuses années maintenant, vit dans un monde tout en patchwork, sans cesse effacé, revécu, gommé, réinventé, détricoté, retricoté, j’aimerais la revoir une dernière fois.
Mes parents m’ont dit qu’il n’y avait encore aucune personne malade « chez elle » et que le personnel répond au téléphone, prend soin d’elle. Autour, c’est l’hécatombe. Autour, c’est Trévenans, Couthenans, Belfort et Mulhouse n’est pas très loin.
Ce soir, Le Monde nous « alerte » que des centaines de personnes, presque mille, « ont succombé au Covid-19 dans les Ehpad français depuis le début de la crise ». Je ne m’appesantirai pas sur les mots utilisés ici – il le faudrait pourtant. Je sais qu’ils sont plus nombreux que ça. Que des centaines de personnes meurent sans avoir été testées. C’est pire que ce qui est annoncé. Et derrière chaque nombre, il y a des noms. Des événements, des dates, des joies et des peines. Des corps réduits en cendre. Et la plupart de ces corps qui ont tous une histoire et un fil plus long que le bras n’auront pas été accompagnés par leurs proches.
Vendredi 3 avril 2020
Impossible tentative d’épuisement d’une journée « confinectée » – liste partielle, partiale, incomplète, subjective, sélective. (Pardon, cher Georges Perec)
– Pour le préfet de Paris, les patients en réanimation sont ceux qui n’ont « pas respecté » le confinement (La voix du Nord)
– Au moins 6507 personnes sont mortes du Covid-19 en France depuis le 1er mars, dont 1416 en Ehpad (Le Monde)
– « Raffaele n’était plus tout jeune, il est mort sans avoir vu un médecin » : loin des bilans officiels, la tragédie des morts cachés de la Lombardie (Le Monde)
– Le confinement vu des quartiers populaires (Mediapart)
– Île-de-France, île de souffrance (Libération)
– Gardons le lien – infos et bonnes idées des Montreuillois·e·s confiné·e·s (Newsletter de la Mairie de Montreuil-sous-Bois)
– Témoignages | Confinés à domicile, des malades du Covid-19 racontent leurs efforts pour ne pas contaminer leurs proches (Le Monde)
– « L’ensemble des épreuves du brevet et du baccalauréat général, technologique et professionnel sera validé en contrôle continu », annonce Jean-Michel Blanquer (Le Monde)
– « Nous faisons tout pour que nos enfants ne prennent pas des distances définitives avec l’école » (France Culture)
– Attestations de sortie, devoirs des enfants : le prix des imprimantes flambe (ActuaLitté)
– « A l’air libre » : enseignants et élèves face aux cours en ligne (Mediapart)
– « Nous expérimentons tous les outils numériques avec une formation accélérée pour certains d’entre nous. Il faut laisser à chacun le temps nécessaire pour s’approprier les outils ! » (mail)
– « Je partage votre avis sur le caractère positif de la visio pour maintenir le lien et soutenir la motivation à travailler. » (mail)
– « J’aime bien l’idée de se déguiser pour les visio-conférences... » (mail)
– « Mon fils me signale que seulement une dizaine d’élèves de la classe étaient présents. » (mail)
– « Une copine de ma fille qui n’y a pas participé, m’a dit qu’elle n’avait pas réussi à se connecter... » (mail)
– Coronavirus : 684 personnes sont mortes au Royaume-Uni en une journée, portant le bilan total à plus de 3600 décès (Le Monde)
– Avec la pandémie de Covid-19, les États entrent dans une ère de dettes colossales (Le Monde)
– Non à l’Afrique cobaye du monde ! (MesOpinions.com)
– Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise » (France Inter)
– Coronavirus : « une question de vie ou de mort » pour les librairies (ActuaLitté)
– Les éditeurs mobilisés pour alléger la trésorerie des librairies indépendantes (ActuaLitté)
– L’Adelc engage 5 millions d’euros pour les librairies (Livres Hebdo)
– La Sodis et UD reportent les échéances des libraires indépendants (Livres Hebdo)
– Le SLF demande la création d’un fonds de soutien aux librairies (Livres Hebdo)
– Le livre : bien indispensable ? (Livres Hebdo)
– Antoine Gallimard : « une crise très grave, qui impose des mesures fortes de solidarité » (Livres Hebdo)
– Pour un soutien massif au secteur du livre (We sign.it)
– Les géants du e-commerce ne doivent pas profiter de la crise sanitaire ! (MesOpinions.com)
– Soutenez vos commerçants (Le pot commun)
– Indemnisons les indépendants ! (MesOpinions.com)
– Pourquoi les enfants sont-ils moins touchés par le Covid-19 ? (France Culture)
– Soutien aux familles avec de jeunes enfants (Newsletter de la Mairie de Montreuil-sous-Bois)
– La PMI maintient et adapte l’offre de soins (Newsletter du magazine de la Seine-Saint-Denis)
– Distribution de repas, cadeaux gastronomiques... donner un peu de réconfort ! (France Culture)
– Contre le Covid-19, le Brésilien Jair Bolsonaro prône le jeûne et la levée du confinement (France Culture)
– Les Petits Frères des Pauvres redoublent de vigilance (Newsletter du magazine de la Seine-Saint-Denis)
– Violences conjugales : l’appel des associations à la solidarité des témoins (Newsletter du magazine de la Seine-Saint-Denis)
– Lutte contre les violences faites aux femmes et intrafamiliales : agir pendant le confinement (Newsletter de la Mairie de Montreuil-sous-Bois)
– Mobilisés pour vous accompagner, c’est ça aussi la solidarité (OVH)
– Coronavirus : pour un revenu de base universel (WeMove)
– Tous unis contre le virus : mobilisons-nous face à cette crise sanitaire (Fondation de France)
– Soignants dans la tempête (France Culture)
– Les centres municipaux de santé en première ligne pour traiter tou⋅te⋅s les patient⋅e⋅s (Newsletter de la Mairie de Montreuil-sous-Bois)
– Confiné·e·s sans s’ennuyer (Newsletter du magazine de la Seine-Saint-Denis)
– Les éditions Libertalia offrent des livres numériques en accès libre (ActuaLitté)
– Concert Rodolphe Burger vendredi 3 avril à 16h (Dernière bande)
– Festival à la maison (TroisCouleurs)
– Le romancier essayiste italien, Paolo Giordano, auteur de Contagions (un texte écrit dans l’urgence, publié ces jours derniers au Seuil et mis en accès libre sur le site des éditions) est l’invité d’Olivia Gesbert (France Culture)
– Une fenêtre sur Tel Aviv par Gaëlle Obiegly – à propos de Diary de David Perlov (AOC media – Analyse Opinion Critique)
– « Si vous avez 35 minutes, regardez Une vie dans la journée d’Albert Cossery, beau documentaire (2005) en accès libre de Sophie Leys consacré au plus parisien des romanciers égyptiens. » (Libertalia)
Entreprises (à blacklister) qui continuent à faire de la publicité, à livrer des produits qui pourraient attendre la fin du confinement et font prendre des risques à des êtres humains :
– On n’arrête pas la musique (Sonos)
– Vous allez perdre de l’argent ! (Rakuten)
– Confinés sur terre, et si on partait dans l’espace ? (Melijoe)
– Les joies du confinement ! (Chapitre.com)
Les spams :
– Tu as beaucoup de chance.
– Profitez d’une eau pure et saine chez vous.
– Vous ne vous soucierez plus jamais de vos factures énergétiques.
– Christophe, le secret du ventre plat, sans effort !
– Faites-vous plaisir grâce à notre taux mini !
– Mettez votre temps à profit : réduisez vos frais simplement !
– Livraison offerte sur votre masque à -58 %
Les notifications diverses :
– C’est l’anniversaire de 5 personnes parmi mes amis sur Facebook.
– Les photos, vidéos, gif animés sur Facebook, Twitter, WhatsApp, Messenger, par SMS...
– Les mails, les textos, les commentaires, les invitations.
– Les appels en absence, les messages sur répondeur.
Samedi 4 avril 2020
J’apprends de nouveaux mots chez mon médecin. Par exemple, une orthèse stabilisatrice de cheville à air est une attelle. J’apprends aussi que mon entorse pourrait être doublée d’un arrachement osseux. La semaine prochaine, je passerai donc à la radio. Pas fier ceci dit de ce « confinement dans le confinement » et d’avoir à solliciter des médecins qui sont déjà à bout de souffle. À ce propos, mon médecin me confiait d’ailleurs ce matin que certains de ses collègues âgés sont en train de mourir d’épuisement. Outre le Covid-19, il y a aussi ceux dont le cœur lâche à force d’efforts répétés. J’étais son dernier patient et nous en avions provisoirement terminé avec mon histoire d’entorse à la cheville. Je voulais savoir si elle allait bien, comment elle faisait pour tenir, si elle avait quelqu’un à qui parler. Je l’ai écoutée, elle évoquait ses collègues, ses heures d’astreinte à l’hôpital, ses visites à ses patientes et patients, souvent octogénaires, les mails qu’elle reçoit de celles et ceux qui sont malades et luttent, auxquels elle répond lorsque le cabinet est fermé. Elle faisait le point sur la situation, me décrivait où le virus pouvait se loger et que, selon les patients, ce n’était pas toujours la même partie du corps qui était touchée. Elle a parlé aussi des vaccins. Et elle a fait le lien avec le Sida. Elle était toute jeune, travaillait alors à l’hôpital et voyait mourir des hommes plusieurs fois par jours. Personne ne trouvait le moyen de les maintenir en vie. C’était touchant, émouvant, bouleversant, de l’écouter, son masque sur la bouche et le nez. Je ne voyais que ses yeux. Je n’avais jamais autant fixé celle qui passe son temps à nous ausculter.
En début d’après-midi, j’ai appris par Pascal Arnaud, l’éditeur de Quidam avec qui l’agence travaille, la mort de Marcel Moreau qui fait partie des auteurs qui m’ont fait aimer la littérature et qui m’ont même appris à “lire”. Une victime de plus du Covid-19. Seule consolation possible pour le moment : continuer à le lire. Nikola Delescluse, au même moment, a choisi de montrer deux couvertures de livres de l’auteur : À dos de Dieu chez Quidam et Quintes aux éditions Mihàly. Il a tellement écrit. Une soixantaine de livres parus ! J’ai immédiatement pensé à sa merveilleuse correspondance avec Jean Dubuffet que L’Atelier Contemporain a publiée en 2014, une édition préfacée par Nathalie Jungerman. J’ai repensé aussi à son Corpus scripti aux Éditions Denoël que j’avais lu lorsque j’étais encore libraire et pour lequel il avait obtenu le Prix Wepler-Fondation La Poste en 2002. Puis, j’ai ouvert Le Bord de mort publié par les Éditions Christian Bourgois en 1974, réédité également en 2002 par Les amis de L’Ether vague, dans lequel il écrit : « Il n’en faut pas plus pour que la mort demeure à mes yeux le premier des scandales et sa question même un modèle d’énergie ».
Une nouvelle semaine s’achève. À ceux que je croise, à celles que je salue depuis ma fenêtre, à mes correspondants, mes amies, mes copains, mes connaissances, mes voisins, mes followers, mes parents, mes enfants et à celle qui vit loin de moi, je n’ose plus souhaiter de passer un bon week-end ni de bonnes vacances (de Pâques). Je n’ose plus.
Il faut tenir, continuer à rester à l’abri, accueillir les mots des personnes avec qui nous sommes reliés et la lumière quand elle se présente pour vaincre la mélancolie, parler aux plantes quand les enfants sont absents, continuer à caresser du bout des doigts l’image de notre part manquante sur l’écran de l’ordinateur, l’écouter nous parler, depuis son lieu de vie, depuis le lieu où nous nous sommes aimés et où nous nous aimerons encore. Et se persuader qu’il y aura bientôt un « demain » qui ne sera plus un « aujourd’hui » répété, « un jour sans fin ».
Je terminerai cette troisième semaine du Vital journal viral avec ce post publié par une amie, Corinne Amar, sur Facebook. Une photo lumineuse et florale l’accompagnait :
« Samedi 4 avril 2020. Intérieur extérieur.
Donner l’intime et non le privé, rappelait Barthes... L’intime ou le rapport à soi, à son être, à son proche, à sa propre « banalité ».
Le privé est ce qu’on cache, le privé s’avoue dans un récit : l’intime se dit par fragments.
(Intemporel Roland Barthes) »
Jean Dubuffet, Cycliste aux nuages à pattes (détail), juillet 1943
gouache sur papier, 16 x 25 cm
© coll. Fondation Dubuffet, Paris
écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
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et dernière modification le dimanche 5 avril 2020