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Laurent Herrou | Avant | 10 août 2003

Sophie Moleta propose de m’envoyer les mots qu’elle a écrits, ce qu’elle appelle « my novel ». Elle m’en a adressé quelques lignes par e-mail, des phrases poétiques et ambiguës qu’elle compare elle-même à mes litter letters. Retrouver mention de ses lettres me touche, me surprend. J’en oublie parfois le contenu, et jusqu’à l’existence. J’y avais repensé en donnant les paroles de chansons à Manu, l’autre jour. J’ai dit à Sophie qu’il y avait un type qui travaillait dessus, j’ai ajouté que s’il faisait quelque chose de bien, je le lui enverrai aussi. J’ai écrit qu’il me semblait toujours important que les artistes travaillent ensemble. J’imaginais une chanson de Manu, et Sophie faisant les chœurs, participant. Sur son site, j’ai lu plus en détail son histoire, les problèmes qu’elle rencontre avec sa maison de disques française – et qui l’ont obligée à quitter la France. Apparemment elle a signé sans lire le contrat, sans avocat. Apparemment elle est coincée, et la maison de disques menace de saisir toute œuvre qu’elle proposerait ailleurs, à quelqu’un d’autre. Une merde noire en somme, dont elle ne se sort pas encore. Elle parle de sa vie privée, elle demande, si elle m’envoyait sa « novel », de ne pas le faire lire autour de moi. Je comprends. Je crois que personne, à part elle, n’a lu mes litter letters. Ce sont des pages défendues. Nous partageons donc, Sophie et moi.
Manu a été surpris, il a dit : comment tu la connais ? J’ai raconté internet, la prise de contact, et l’amitié qui s’était développée. Il était un peu soufflé, moi je ne voulais pas que ça ait l’air du truc pour me faire mousser. J’ai toujours cette crainte-là, dès que quelque chose m’arrive, et que je le raconte, que la personne en face pense que je me fais mousser. Je n’essaye pas, je raconte, c’est tout. Parfois les gens se trompent, d’autres me connaissent mieux que ça. Pour Manu, je ne sais pas encore. C’est un nouveau venu. Je voudrais qu’il reste dans le lot. Qu’il ne déçoive pas.
Sophie Moleta.
Emmanuel « Hannah ».
Sophie a écrit une phrase étrange, à propos d’internet : « mmmm it’s dangerous isn’t it the web, there are names of people in there… » Je n’ai pas complètement compris ce qu’elle voulait dire. Mais je crois qu’il faut faire attention. À internet. Il y a mon nom, mon prénom, ma photo. Les siens. Il y a des vies en pâture, et des intérêts extérieurs. Il y a des gens dénués de scrupules. Moi je n’ai rien à cacher. Je dévoile tout. Je suis prêt à en parler. Je crois qu’après toutes ces années, je n’ai petit à petit plus peur de rien.
C’est étrange, non ?
Jean-Pierre m’a fait jouir devant l’écran de télévision où j’avais mis le DVD To the max. Il a demandé : tu en as vraiment besoin ? Je n’ai pas répondu. Il m’a sucé, m’a branlé jusqu’à l’explosion, à son tour. Je n’ai pas quitté l’écran des yeux.
Oui, j’en ai vraiment besoin.


_résidence Laurent Herrou | Avant | 10 août 2003

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le samedi 5 octobre 2013