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Laurent Herrou | Avant | 2 août 2003

Juilletistes et aoûtiens. On est à la limite, à la croisée des chemins. Six cent cinquante kilomètres de bouchons sur l’autoroute pour la journée de samedi – il faut plus de trois heures pour parcourir la distance Vienne-Orange, commente la journaliste. Week-end, le chassé-croisé, ils disent. Les vacances. Les miennes devraient commencer ce soir ; mais ce sont les congés-maladie qui prennent fin mardi avec l’enlèvement du plâtre. Si. À moins qu’il n’y ait prolongation, ce que tout le monde, professionnels comme amateurs, semble penser.
Fin juillet, début août. Il n’y a pas d’e-mail, aucun courrier dans la boîte aux lettres depuis trois jours. Marie Trintignant est finalement morte hier, un connard écrit dans Libé qu’il va rendre tous ses disques de Noir Désir. Les gens sont tellement cons. Je ne sais pas encore quoi faire : reprendre Chester et Paul, relire, travailler autre chose, lire ? J’ai terminé le Donner, c’est vrai, je voulais en citer une phrase, à propos de Guibert. Deux passages en fait : une description, et un dialogue.

Page 241 :

« (…) il a des bites à sucer, des grosses, des plus petites un peu plus raides, il a toute une variété dont il va devoir se repaître, le véritable délice étant dans leur succession à l’intérieur de sa bouche, l’idée de devoir faire ça à la chaîne, d’être obligé, l’idée que son plaisir importe peu, l’idée même qu’il n’y a plus de plaisir, c’est ça l’excitation, je pense, c’est d’arriver au point de saturation, quand ils vont lui gicler dessus les uns après les autres, c’est ça le plan, il va recevoir des litres de foutre sur la gueule et sur le corps. »

Et page 244, c’est Hervé Guibert qui parle le premier :

« Tu raconteras tout ça, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Il le faut. »

Il y a des moments de lecture où la vie, la vôtre, vous revient dans la gueule en plein, violemment, vous est rendue, expliquée, offerte. Il y a des moments de lecture où vous ne savez plus qui lit, qui écrit, qui parle. Où vous jouez à la fois tous les rôles, vous personnalisez l’écriture. Il y a des jours où l’on voudrait être soi-même : le livre.
C’est ça, un écrivain.


_résidence Laurent Herrou | Avant | 2 août 2003

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le vendredi 27 septembre 2013