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sans K#6


 
 
On a toujours prétendu que Kwakizbak ressemblait à tout le monde et à personne en particulier, qu’on pouvait passer à côté de lui sans le remarquer, sans même le voir. Du coup il n’achetait pas de billet quand il montait dans un train puisque jamais aucun contrôleur ne le lui réclamait. Sauf une fois. L’un d’eux s’est arrêté à sa hauteur mais c’est sans conviction qu’il a ouvert la bouche ; quand il a répété sa question son oeil droit papillonnait : on aurait dit qu’il regrettait déjà. Kwakizbak a répondu qu’il lui avait déjà poinçonné son billet. Et l’autre s’est excusé : Je m’en doutais. Depuis, Kwakizbak s’amusait régulièrement à interpeller les contrôleurs qui ne se retournaient pas. Jamais personne ne l’entendait.

Hier, un train a déraillé. Il n’y a que des blessés, a-t-on pu entendre à la radio, mais cet accident a provoqué des retards importants blablabla. Puis, au fil des heures : peut-être un blessé grave........ une personne gravement blessée........ un passager entre la vie et la mort........ un voyageur meurt des suites de ses blessures........ cette collision a fait une seule victime mais on ne connaît pas encore son identité. Et ce matin : un passager est mort hier vers 21:30. Le train okcorral 67876 se trouvait à proximité de Zscerberhre, district 66, quand il a percuté un véhicule, immatriculé 999FN**, arrêté en pleine voie pour des raisons encore inconnues. La victime aurait eu au moment de sa mort un taux de 4,2° d’alcool dans le sang, une photo et une lettre dans la poche de sa veste.

— C’est bien vous sur cette photo ? me demande un premier flic tandis que l’autre me tend une enveloppe.
— C’est bien votre nom ça ?
— Oui c’est moi ici et là.
— Vous pouvez le prouver ?
— Que je suis bien sur cette photo ?
— Jouez pas au con, il y a mort d’homme.
— (...)
— Il vous faudra reconnaître son corps.
— Non, je n’irai pas. N’insistez pas. Trop loin. Toute cette route, vous n’imaginez même pas, et ces kilomètres pour... pour rien, pour un type qui se réincarne quand il veut, c’est trop me demander, non vraiment non, demandez à un lecteur ou à une lectrice d’y aller. Mais trouvez-les vous-mêmes. Ici on ne fait pas dans le cafardage.
— Tu m’écoutes jamais (dit le premier flic au deuxième), je t’avais dit qu’il allait nous faire perdre notre temps ce webeux.
— Attends deux minutes... Y a quoi dans cette lettre ?

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le mardi 21 février 2012