christophe grossi | lirécrire

Accueil > f(r)ictions > archives > kwakizbak > kwakizbak #5

kwakizbak #5


 
 
Le ciste entourait la maison, le ladanum s’écoulait lentement. C’était l’époque où Kwakizbak et ses jeunes amis aimaient encore s’agenouiller au pied de l’odorant arbuste, un verre d’alcool clair à la main, en rêvant d’un monde propre, calme, d’une vie plus légère et dégagée de toute contrainte. Leur visage à travers le ciste était nu et poli comme un crâne chauve sous lequel règne désordre et plaisir. La poudre de cade embaumait dans la petite lampe de Merlin et c’étaient les sorcières qu’ils croyaient chasser tandis que leurs gestes s’amplifiaient. Leurs verres d’une traite vidés étaient vite remplis. Mais un matin, comme le ciste sentait l’urine aigre, Kwakizbak l’a coupé. Puis il a fait un grand feu. Le bois, ça sentait bon le feu de bois, dans le jardin, dans tout le quartier. La niche du chien hémiplégique a brûlé elle aussi. Et la maison. Puis celle des voisins. On n’y voyait plus rien. Quelle fumée ! Les pompiers ne savaient plus comment faire pour éteindre un tel incendie.

Kwakizbak était bel et bien en colère ; pour éviter qu’on en vienne à supposer qu’il était l’auteur du premier feu, que le pyromane c’était lui, il s’est mis à mordre un par un les urgentistes, à arracher les cheveux des policiers en faction, à obstruer les plaques et les bouches d’égout, à crever les tuyaux d’arrosage et les pneumatiques.

Ce petit jeu a duré toute une nuit. Au matin Kwakizbak est parti acheter des saucisses pimentées et des côtelettes aux herbes ; il s’est occupé lui-même du barbecue et chacun s’est régalé. Le quartier brûlait encore mais la viande était bien cuite, comme j’aime a dit le sergent chef.

Kwakizbak s’en est sorti à bon compte mais sa bande d’amis, il ne l’a jamais revue.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le mercredi 2 décembre 2009