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kwakizbak #15


 
 
Kwakizbak et Kudakud quittent la Galouzie à bord d’une voiture électrique après avoir posté une lettre en recommandé avec accusé de réception, lettre dans laquelle Kudakud présente au roi sa démission.

Après des jours et des jours de voyage (routes, paysages, pauses, dénivelés, étendues...), de découvertes (dolmens, fjords, monuments aux morts, pics, temples...) et d’expériences (union de l’aigle, bateau ivre, 69, 99, balançoire, coït intercrural...), ces deux qui ne font plus qu’un s’arrêtent sur une nouvelle aire d’autoroute où se connaître encore.

Plus tard Kwakizbak descend du véhicule et ramasse la photo d’une femme en déshabillé. Au dos du Polaroid quelqu’un a inscrit au feutre noir un prénom (Birgitta ou Brigitta, on lit mal, un prénom germinois peut-être) et un numéro de téléphone. Il ne comprend pas comment cette photo a pu arriver là.

— Elle a dû tomber d’une voiture ou d’une poche, Kudakud ne voit pas d’autres solutions. Appelons cette fille, dit-elle encore.

— Pour quoi faire, demande Kwakizbak ?

— C’est peut-être un message qu’on nous adresse ou un S.O.S. Et si ça se trouve cette fille est retenue par un sadique. Il est de notre devoir d’avertir les autorités, non ?

— Non non non, moi je ne veux pas d’ennuis avec les Germinois ; dans une vie antérieure ils m’ont arraché les dents les unes après les autres jusqu’à ce que je promette d’arrêter de faire évader de manière intempestive les prisonniers politiques.

Kudakud a toujours rêvé de rencontrer un être réincarné et peine à cacher sa joie. Néanmoins elle demande à voir la photo. Sa mâchoire se crispe immédiatement ; son front, ses pommettes et ses joues passent des couleurs primaires aux secondaires avant de se fixer sur le blanc : elle vient de reconnaître sa sœur, Kivala, qui n’avait pas donné de ses nouvelles depuis plus de dix ans.

— Appelle-la !, s’enthousiasme Kwakizbak.

— Je n’ose pas, je peux me tromper, elle a dû changer, non ? Et puis maintenant je ne suis plus si sûre de moi.

Kwakizbak compose le numéro de la fille sur son téléphone portable. Une voix enregistrée lui recommande d’appuyer sur les touches dièse étoile un deux ou trois, de confirmer ses choix, on lui demande de patienter, de communiquer son numéro de carte bleue, de patienter, de confirmer une nouvelle fois. C’est un peu long et fastidieux mais il a mis le haut-parleur et, tandis qu’une musique d’ascenseur se diffuse, Kudakud pressent qu’elle est en train de se rapprocher de sa sœur.

— Salut chéri, dit une voix qu’on dirait trafiquée.

— C’est moi, hurle Kudakud qui vient de s’emparer du téléphone, c’est moi Kudakud ta sœur, où es-tu ?

— Appelle-moi Birgitta, dit la voix.

— Comme je suis heureuse de te —

— Oui oui, hum, dit la voix, j’aime ton prénom.

— Euh, tu m’entends bien, demande Kudakud ?

— Oui chéri je suis seule dans ma cuisine.

— Kivala, je t’en prie, dis-moi comment te retrouver ?

— Hum, moi aussi je suis très excitée.

— On arrête ? demande Kudakud à Kwakizbak, je crois qu’elle ne comprend rien, on a dû la droguer.

— Continue, oui continue, dit la voix.

Kwakizbak prend le combiné et demande à la voix d’arrêter son cirque, qu’ils ne sont pas là pour s’amuser, qu’il faut rentrer à la maison, qu’on ne fugue pas comme ça, que le roi n’est pas content... mais il est sans cesse interrompu par des cris de souris effrayée.

Kudakud arrache le téléphone des mains de Kwakizbak.

— Laisse tomber, dit-elle, je viens de me souvenir que je n’ai pas de sœur ; c’est le frère d’un de mes cousins qui a disparu, je mélange tout.

— Rappelle-moi quand tu veux mon chéri, dit la voix.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le samedi 26 décembre 2009