christophe grossi | lirécrire

Accueil > f(r)ictions > archives > kwakizbak > kwakizbak #9

kwakizbak #9


 
 
Pour ne pas changer Kwakizbak a débarqué chez moi à l’improviste. Il avait une chose importante à me montrer, une photographie que je ne connaissais pas.

— Cette ancienne maison de maître était en piteux état quand je suis arrivé là.

Les orties mesuraient plus de deux mètres. Il n’en avait jamais vu de si hautes. Son substitut de père passait ses soirées et ses dimanches à casser les murs, à en construire d’autres. Les plombiers et les électriciens portaient des casquettes Trikard et suçotaient un mégot toujours éteint au coin des lèvres. Ils dormaient à quatorze dans la même pièce. Une nuit il a crié : je veux pas crever. Celle qui jouait à la perfection son rôle de mère s’est réveillée immédiatement.

— Quoi quoi ?

Kwakizbak n’a rien répondu. Puis, dans un soupir, elle a ajouté :

— Tu as huit ans, mon fils, tout ça est normal, ne t’inquiète pas, toi aussi tu vas mourir.

Kwakizbak était doublement consterné, d’abord parce qu’il avait rêvé qu’après s’être échappé du peloton, s’apprêtant déjà à sabrer le champagne en compagnie de mignonnes, il avait roulé sur des clous que Naaboh (qui ne le lâchait pas d’une semelle) avait posé là afin de faire gagner son Premier ministre. Et puis cette mère de paille avait dû encore avaler une sacré quantité de schnaps pour avoir oublié que Kwakizbak venait de fêter, précisément ce jour-là, celui où la photo avait été prise, ses cinquante-sept ans.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le vendredi 11 décembre 2009