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métropisme 12


 
 
 
 
 
il se dit cette nuit je le fais,
n’en parlera pas, ni à sa femme ni aux petits
personne ne saura.

— c’est jouer la fille de l’air qu’il faudrait, dit-elle à sa voisine qui répond
je me demande comment les autres se débrouillent avec ça.
elle n’en parlera pas à son mec,
elle répète ça deux trois fois de suite, je l’appellerai plus tard.

il ne sait pas s’il fera froid, à quelle heure il aura faim ou sommeil,
et pourtant il ne faut rien négliger, il doit penser à tout, même au pire :
courir, sauter, se faufiler, crapahuter, se battre.
le sac à dos est petit, je ne dois pas l’alourdir, pense-t-il.

— nous parvenons à nous dire des choses tendres quand nous sommes loin l’un de l’autre, dit-elle.
mais quand ils se retrouvent c’est tendu, étranglé.
— vous ne pouvez passer votre vie à vous écrire.

de l’eau, une banane, des raisins secs, une pièce d’identité,
un appareil photo, pas de téléphone, un gilet, une écharpe,
dix euros en monnaie, un ticket, pas de clopes, un couteau.

— vous regarder dans les yeux ce n’est plus possible ? demande la voisine.
elle dit qu’ils partent dans tous les sens, trop de mouvement...
— tu, non, rien vraiment de près, fouiller ça remue trop.
— on voudrait tous être utile, vous confondez tout...
— j’en sais rien, tu devrais plutôt regarder ce qui se passe dehors.

ils se croiseront.
— et ta journée ?
— bof... tu sors ?
— je vais faire une course je reviens.

elle pensera merde j’ peux pas laisser les gosses tout seuls tant pis j’ reste,
il embrassera tout le monde, je reviens, poussera la porte,
c’est bizarre ces baisers, pensera-t-elle puis pfffft, le bain la bouffe.

il marchera longtemps, boira un verre, commandera une part de pizza,
la nuit tombera,
il appellera d’une cabine, ne t’inquiète pas je serai là demain matin embrasse les petits,
il ne la laissera pas parler.
il ira voir un film puis un autre, boira une bière une pinte, demandera deux clopes,
il descendra les escaliers de la 9, prendra le dernier métro à Oberkampf.
au terminus il se glissera sous le train, attendra un temps, rampera,
il se faufilera jusque dans le tunnel, se blottira dans un renfoncement, soufflera,
quand il sera l’heure du premier métro, il remontera sur le quai.

quelque part sur le réseau

 
 

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le jeudi 7 juin 2012