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Guillaume Le Vot | l’ivresse des miroirs


On croit en la couleur mais les pupilles de chiens en nous ne voient qu’en blanc, ne pensent qu’en noir et titubent en chemin sous des étoiles d’étain. On se connaît gris taupe, tapis en aveugles atterrés, sourds aux sirènes colorées. On baisse la tête pour fuir la morsure du sel solaire. On se sait sales et se rassure en ne le concédant pas. On supporte les regards, pourvu qu’ils ne nous appartiennent pas. Ceux-là, on les croise fatalement le matin devant son sosie mural, on s’y fait, on n’y voit plus vraiment, trop désaffutés par une nuit d’absence. Mais à force de patience et d’absinthe, à force de fixer le moindre métal, vitre, glace, lunette, blanc des yeux, toit de voiture, feuille d’alu, table laquée, parquet parfait, crâne poli, lac gelé, bulle de savon, flaque figée... on s’éveille à des miroirs d’une autre intensité, on réveille les morts d’un palais d’été aux tentures safranées. Il y a dorénavant des reflets à contempler avec les yeux de l’ivresse dans l’au-delà des ici-bas. Des opales profondes balayent les 10 mois de pluie en Guyane, les réverbérations arc-en-ciel dans vos voix pourpres, pour que tremblent les vérités démodées, que fusionnent palais des glaces et labyrinthes en un grand carnaval cannibale où une mère ne reconnaîtrait pas les siens. Jusqu’à l’étouffement du dernier reflet gris ivre de couleurs.


Début août je me suis retrouvé à côté de La Rochelle avec Guillaume Le Vot, photographe et blogueur. Nous aurions dû écrire notre vase communicant sur place et en direct mais nous n’avons pas lâché nos guitares à temps. Plus tard (il venait de pleuvoir) nous nous sommes retrouvés l’un à côté de l’autre sur la terrasse et avons photographié ce qui nous faisait face. Évidemment nos photos n’ont pas raconté la même histoire. C’est là que nous avons eu l’idée d’échanger nos photos et de proposer un titre à l’autre. Cette fois septembre est bien là, les vases communicants aussi et c’est avec une grande joie que je l’accueille ici aujourd’hui. Ma proposition écrite à partir de sa photo et de son titre, Le souvenir des marins à la table des vivants, se trouve quant à elle sur son blog, Quelques mots sur une photo.
 
Le texte de Guillaume Le Vot a été écrit dans le cadre des vases communicants. Sans Brigitte Célérier nous aurions été paumés ; grand merci aussi à elle d’avoir tenu à jour la liste des 18 échanges du mois que vous retrouverez ici ou .

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le vendredi 2 septembre 2011