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pudding
Après le sagace "hold-up" (texte et images) commis par Christine Jeanney sur Tentatives et l’impressionniste monument élevé par Brigitte Célérier sur Paumée, voici ce que j’appellerai mon pudding et qui, à quelques ingrédients près, est entièrement composé de citations contenues dans les vases communicants de novembre 2010. Mes excuses à chacune et chacun pour les écorchures éventuelles.
Entre l’urbain (dit usager par les autorités organisatrices de transport) posté à un nœud de communication stratégique [1], l’homme accroupi, l’homme aux bras croisés, la femme debout main contre le front (qui dansait la mer sur la terre battue et la jetée [2], la femme assise tête inclinée, la femme jambe droite repliée sur le banc (sa bouche crispée sur une colère froide, le bloc de glace emplissant sa gorge sèche et l’espace minuscule de la maison [3], l’enfant en pleurs en roller, l’enfant chargé de sacs, l’enfant en déséquilibre sur le trottoir [4], c’est la guerre (le retour en force de la sécurité dans un monde de brutes [5]). Je sens que tout est en train de déraper. Ne pas renoncer [6]. Le feu est pourtant vert-piéton [7]. Je finis par renoncer [8].
La vie est dure, de ce côté-ci aussi de la planète [9] et il devient de plus en plus difficile d’avancer le long de cette route droite et sans fin [10] ; nos corps ne peuvent plus, veulent plus, mal armés pour ça, pas coordonnés [11] et les hommes sont toujours infréquentables [12] : « tu ne peux pas imaginer [13] ». Peut-être pour ça que j’ai peur [14]. Oui j’ai peur de finir flingué par des tueurs la nuit dans un fossé ; qu’est-ce que tu veux que je te dise je suis dans un monde où c’est possible je suis dans un monde où ce qu’on invente apparaît [15]. Et c’est ainsi qu’on devient une authentique vie imaginaire pour tout autre [16]. Mais que faire des mots quand il ne reste plus rien ? Les mots pour ne pas devenir fou [17].
Si je ralentis un peu, l’air — dont la mauvaise qualité est attestée sous mes yeux — sera moins pollué [18]. Mon champ de vision se réduit à l’allée dans laquelle je me trouve ; lorsque quelqu’un me voit, il semble indifférent. Et l’angoisse m’étreint [19]. Sur cette petite allée noyée de lumière, j’arrive à peine, de loin, à deviner leur mouvement [20]. Je ne les connais pas ces grands nommeurs, mais je les sens derrière moi, en moi, agissant sur moi année après année, habitation après habitation [21], je les entends encore, malgré moi, les bouches ouvertes, les yeux posés sur moi, les corps affolés chantant chacun sa mélodie dans une langue différente, chants déformés dans le ressac contre le bateau [22]. Trop près, trop loin, courte vue, longue distance, je ne suis plus d’eux, me dresse, oppose l’intuition au malaise [23]. Ça bouge, ça remue et ça remugle [24] en chuchotant dans ces langues qui jamais n’ont eu à déchirer, à arracher, jamais à mastiquer, jamais à rogner, plus près, toujours plus près de ce qui est dur, de ce qui est goûteux [25], des langues dont certains prétendent qu’elles sont celles qui ont été les premières parlées [26].
écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne
et dernière modification le lundi 8 novembre 2010
[1] Matthieu Duperrex, Charte sur Scriptopolis
[2] Brigitte Célérier, Divagation sur le site Pendant le week-end
[4] Anita Navarrete-Berbel, Tout est (presque) vrai mais rien n’est (tout à fait) exact sur Notes éparses
[5] Olivier Beaunay, Double peine sur Décablog
[6] Isabelle Butterlin, Où est passé le tire-bouchon ? aux vents de l’inspire
[7] Joachim Séné, Morte sans avoir eu le temps d’écrire 141 signes chez Petite racine
[8] Juliette Mézenc, J’écris avec l’ordi sur les genoux sur Fut-il ?
[9] Marianne Jaeglé, Les choses qu’ils portaient sur New wold, new deal
[10] Lambert Savigneux, L’ouvre-boîte sur Aedificavit
[11] Christophe Grossi, silence radio sur Fenêtres Open Space
[12] Bertrand Redonnet, à propos de ce gars-là sur le tiers livre
[14] François Bon, J’ai peur des rues droites des villages sur L’exil des mots
[15] Anne Savelli, Supporter sa douceur / variation pour Dita Kepler sur déboîtements
[16] Pierre Ménard, Présence active du vide sur Face Terres
[17] Loran Bart, L’homme-ivraie ou la fin des temps sur Le Jardin sauvage
[18] Jérôme Denis, Captés chez Urbain, trop Urbain
[19] Landry Jutier, Plaies et déliés sur Inachevé
[20] Samuel Dixneuf-Mocozet, Le pèlerin – hommage à Pessoa sur L’oeil bande
[21] Laurent Margantin, Où m’emmènent leurs noms sur le site d’Arnaud Maïsetti
[22] Arnaud Maïsetti, Les îles inconnues et sauvages sur Œuvres ouvertes
[23] Christophe Sanchez, Ronde lumière sur le blog de Juliette Mézenc
[24] Jérémie Szpirglas, Ce n’est que (Improvisations n+1) sur le blog de Landry Jutier
[25] Cécile Portier, Inculquée sur Fragments, chutes et conséquences