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Laurent Herrou | 4 septembre 2003

Ça perce de tous côtés, c’est à peine chiant ! Les travaux ont atteint notre palier, le gars était sur le pas de la porte pendant que je me branlais en imaginant me faire baiser profond, c’était très, très excitant – je plaisante… J’ai joui quand même, plus par dépit que par volonté, il fallait une fois la sève montée, que je l’évacue, c’est maintenant fait. J’ai enchaîné avec une douche longue (j’ai foutu de l’eau partout), me suis lavé les cheveux, ne suis pas content, bien sûr, de leur texture lorsqu’ils sont propres, je me dis que Françoise, qui vient déjeuner avec moi, ne va pas s’extasier sur leur forme extraordinaire et leur couleur changeante. Préoccupations capitales !
H&O me donne quinze jours tout-à-fait normalement pour valider la quatrième de couverture, il n’y avait pas de quoi s’affoler. Je le savais au fond.
J’ai lu hier le dernier Emmanuel Adely, Mad about the boy, qui m’a rappelé mon propre texte, L’autre Paul, à cause de la chanson en boucle qui ranime les souvenirs. J’ai commencé aussi le Jeffrey Eugenides, Middlesex, j’ai dit à Jean-Pierre que ma moyenne quotidienne allait chuter sensiblement : le bouquin fait cinq cents pages, denses, du bon anglais emprunt d’humour indéchiffrable, bref : du pain sur la planche. Je ne vais pas me décourager pour autant, le livre m’a accroché dès les premières pages – un hermaphrodite quand même, et une avalanche de prénoms mythologiques ! Les gens me demandent : tu lis beaucoup ?
Oui.
Oui, je lis beaucoup. Ça ne m’empêche pas de faire plein de choses à côté. On a passé la soirée devant les trois premiers épisodes de la seconde saison d’Alias, comme quoi il n’y a pas de sot métier – ce qui ne veut rien dire dans le contexte, mais bon… Comme quoi, on peut lire Middlesex et regarder Alias. C’est sans doute pour cela que je me sens des affinités avec les Inrocks et Télérama parfois : parce qu’ils ne condamnent pas cette activité-là, qui est de passer trois heures devant des séries télévisées. Avant-hier, pendant que Jean-Pierre était à S.I.S., j’ai commencé la huitième saison de Friends (je suis en retard) en enchaînant quatre épisodes à la suite. Je sais : je n’écris pas.
Je crois que je n’en ai pas envie. Ou pas la possibilité en ce moment. Les travaux peut-être… ou mon état d’esprit.
Je déjeune avec Françoise, je ne vais pas pouvoir m’empêcher de lui faire voir la couverture de mon nouveau livre. Mais allez : acceptons cela. Je suis comme je suis – ne citez pas Bardot, je vous en prie…

Au courrier, la MGEN pour Jean-Pierre. On n’a pas reçu le numéro des Inrocks de la semaine, je me demande si notre abonnement n’est pas arrivé à son terme. J’ai appelé Balland avant-hier à propos des droits d’auteur que je n’avais pas reçus (j’ai dû vendre une vingtaine d’exemplaires de Laura en 2002), la nana de l’accueil, détestable, a dit qu’elle transmettrait. Je rappellerai la semaine prochaine à défaut de nouvelles.
11:30.
Françoise ne va pas tarder, je n’ai rien prévu – du moins, j’ai regardé dans le frigo, mais aucune envie de faire la cuisine. On verra ce qu’on peut faire, où aller. Les travaux sur le pas de la porte empêchent le passage, le gars sur son escabeau. Chaque pas marque son empreinte de poussière sur les tomettes : je me déchausse dès l’entrée, j’ai passé la serpillière hier (voilà une moche association, la serpillière hier – d’ailleurs ce n’était pas une serpillière, mais un de ces balais modernes qui ont une manette le long du manche, sur laquelle on tire pour presser les éponges qui le composent et en retirer l’excédent d’eau savonneuse – bref…), je ne veux pas foutre des traces de pompes dans tout l’appartement, et avoir à recommencer le nettoyage. Il faudra dire à Françoise de se déchausser – ah ! Laurent…
J’envoie un télémessage à Manu avec le titre d’une chanson de Martina Topley-Bird, Anything. Je crois que la chanson en boucle de L’autre Paul, de Janet Jackson, citée en exergue, s’appelait ainsi aussi. J’en suis sûr à présent.

Déjeuner avec Nathalie demain, j’ai un emploi du temps de ministre ces temps-ci.

J’ai arrêté la piscine, et les abdos le matin. J’ai mangé une viande bleue, sauce aux morilles, des frites. Deux cafés. Deux cafés ce matin. Je déjeune avec Nathalie demain, avec Joe mardi prochain. Je trouverai quelqu’un d’autre, pour les autres jours. J’ai arrêté la piscine, les abdos, je suis supposé aller chez le kiné vers cinq heures, puis retrouver Jean-Pierre à un vernissage – je ne sais pas qui est l’artiste. Françoise va mal, elle a pleuré dans mon salon, puis derrière ses lunettes au restaurant. En la quittant en bas, je lui ai dit qu’elle pouvait revenir pleurer dans mon salon quand elle le voulait. J’ai dit : pleurer dans mon salon, tu sais que c’est possible. Moi je ne pleure pas, je ne sais pas. C’est une phrase de mon livre, le dernier. Celui qui va sortir, la belle couverture. Françoise a lu la quatrième, elle a dit que ça donnait envie. De le relire – elle avait lu le manuscrit. Pour la biographie, elle trouvait elle aussi que ça ne collait pas. Ça ne colle pas. Henri écrit qu’il a des doutes, un truc de cohérence avec « l’ambiance du livre ». Oui. Ça ne colle pas.
Ça perce dans la cage d’escalier, mais ça ne colle pas, ma biographie. Biographie. Michaël Youn a dit à Stéphane Bern hier soir sur Canal que parler de carrière, non, tu vois… En fait, le résumé de sa carrière était un canular vulgaire comme Canal+ en a les secrets. Sa modestie à la con est tombée à l’eau. Il est con, ce type.

Un ouvrier dans la maison, les choses progressent. Il y a des retouches à faire. Et : il n’y a personne à côté ? Je réponds que non, que Bruno a déménagé, l’ouvrier demande combien c’est, le loyer, le numéro de l’agence – c’est marrant, je me dis que c’est forcément l’agence qui l’emploie, je ne pose pas de question. Je lui donne les renseignements – vais-je changer de métier bientôt ?
Sophie Moleta sur la B&O pour avoir l’impression, quand même, d’être chez moi.
16:10, et je devrais partir, descendre en ville, aller chez le kiné. Mais : aucune envie, aucune. J’y suis allé hier : Catherine. Demain : Catherine aussi, aujourd’hui c’est Gérard, hier les gens disaient que la veille, avec Gérard, il y avait plein de monde. Je n’aime pas quand il y a plein de monde. Je n’aime pas le monde en général. L’ouvrier dans la maison, ça ne me dérange pas, tant que. Tant que ça ne va pas plus loin. L’ouvrier dans la maison, c’est un maghrébin, si. En fait, je préfère : je n’aurais pas confiance avec un type de chez nous. Je me dirais que c’est forcément un con, un facho – avec cet ouvrier-là, je n’ai pas de problème. La confiance. L’électricien plus tôt, sur le pas de la porte, j’ai demandé : vous voulez un verre d’eau ? Un Coca ? Françoise a remarqué qu’il n’était pas mal, elle a dit : on dirait Benoît. Oui et non.
L’ouvrier fait les retouches, Sophie chante. Il est dans le salon maintenant, ils sont dans le salon, tous les deux. L’ouvrier et Sophie. Il marche dans l’appartement, c’est une présence, comme si j’avais un chat. J’ai un ouvrier. Ça vous fait rire, peut-être…
Il chantonne.
C’est moi qui souris.
Henri a envoyé un e-mail en réponse au mien, il effectuait les changements demandés, le résumé biographique sobre, la lettrine moche, le nom de Jean-Pierre sur la quatrième de couverture. Il concluait par : « Je crois que ça roule. » Je crois aussi.
Aujourd’hui : ça perce. Ça ponce. Ça retouche.
Ça colle à présent.
Ça roule, donc !

J’ai repassé le balai-serpillière : l’ouvrier avait fait des traces partout.


_résidence Laurent Herrou | Avant | 4 septembre 2003

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le samedi 26 octobre 2013