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Laurent Herrou | Avant | 29 juillet 2003

Jouir le matin, seul, dans la chaleur de la chambre. Transpirer face à la webcam, masquer le bras cassé, le plâtre bleu. Prendre une heure de temps, à la recherche d’un plaisir complexe, que l’on n’explique pas, mais qui est nécessaire. Soigner sa prostate. Jouir sans atteindre ce que les femmes nomment l’orgasme – qui n’existe pas chez les hommes. Ou rare, très. Confusion de l’éjaculation et du plaisir : ne pas se tromper. L’orgasme, anal, un tremblement, sa queue au fond de moi, comme une sueur froide, incompréhensible, sensation d’être ouvert, ailleurs, perdu, comblé, ne pas éjaculer mais sentir le sperme se perdre, se liquéfier, se transmuter, devenir onde à son tour, vague, inondation, pleurer – une seule fois dans ma vie.
Jouir, puis reprendre.
H&O, et le texte commercial qui sera finalement la quatrième de couverture.
Séverine, Marie et Tony à treize heures. Passage à la Fnac. Les questions.
Les parents, les cousins.
Jean-Pierre et le portable plus tard, dans l’après-midi.
Contenir la chaleur, l’empêcher de prendre le dessus, maîtriser le corps. Ne pas être mal, ne pas être pressé, prendre son temps. Ne pas accélérer, s’accepter tel quel. Vivre, au fond.

Jean-Pierre dit : encore ? Parce que je dis que je retourne au journal, je m’étonne, je dis que je n’ai pas eu beaucoup de temps devant l’écran, Jean-Pierre rappelle la matinée, je me souviens d’internet, je dis : oui, c’est vrai.
Retour au journal, à propos d’H&O, du sentiment étrange que j’ai, parce que tout marche bien, et que je ne suis pas habitué à ne pas rencontrer de problèmes. C’est un tel plaisir, le contact avec Henri Dhellemmes, que j’ai du mal à croire que c’est au sujet d’une publication que nous échangeons e-mails et coups de fil. Ça m’est apparu dans l’après-midi, soudain, je me suis dit, en parlant à Jean-Pierre de la quatrième de couverture, que j’allais publier un nouveau livre, que c’était en cours – et bien en cours. Qu’il n’y aurait pas de mauvaises surprises, de délais, de retards, que ça avançait normalement, dans un climat d’écoute et de confiance. Je cherche malgré moi la faille, l’échec, l’erreur, l’horreur. Mauvaise habitude : je voudrais tellement que cela continue ainsi. Je voudrais tellement… Je voulais tellement, et c’est arrivé. Le prochain livre. La possibilité enfin de répondre à la question rituelle, négative : toujours rien de prévu ? Si, mon prochain livre sort en fin d’année. À Manu, à Marc au téléphone, aux questions posées, d’où qu’elles viennent. Je peux dire, ne pas douter : il y a le site des éditions, l’annonce. La confiance réciproque. Je crois que je suis heureux.
Jean-Pierre remarque : ça n’a pas l’air d’aller… Si. Et non. Ou : ça va trop bien, j’attends la claque. Il faut croire. Y croire. Continuer à croire. Il faut.


_résidence Laurent Herrou | Avant | 29 juillet 2003

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le dimanche 22 septembre 2013