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Avant | 12 mai 2003
Après la jouissance j’aurais pu directement passer sous la douche. Lundi matin. Mais j’ai préféré m’occuper de la vaisselle grasse d’hier soir, avant de revenir au journal. Je suis nu, le sperme séché sur les poils de mon pubis, essuyé en partie. La douche viendra après le journal, comme la conclusion de la matinée. Du week-end. On a fait l’amour dimanche, Jean-Pierre a demandé, début d’après-midi : on fait l’amour après ? Je n’ai pas répondu de façon claire. Lorsqu’il est descendu chercher un magazine intéressant à la laverie (un article sur les éditeurs de la région, le Ricochet entre autres, article qui citait Françoise et que je voulais apporter à Philippe de la Communication de la Fnac pour organiser une éventuelle rencontre), je me suis déshabillé, j’ai essayé d’enfiler mon cockring (mais je bandais déjà, ça ne passait pas), j’ai branché un film porno sur le portable et les hommes ont commencé à soupirer face au lit où je me suis allongé, dans l’attente de Jean-Pierre. Il est revenu, j’ai dit : ta récompense… Il m’a baisé longtemps, profondément, a joui en moi, planté au fond, baignant, et j’en ai honte, dans une mare de merde qui n’a pas freiné sa jouissance – du moins me l’a-t-il fait croire. Je me suis demandé si me faire enculer signifierait toujours me sentir sale, je me suis demandé si c’était l’âge, une faiblesse des intestins ou un concours de circonstances qui faisait que j’avais le sentiment qu’à chaque fois que Jean-Pierre me baisait, il ramenait de la merde. Je n’ai pas focalisé dessus, je me suis lavé après avoir chié le surplus, suis revenu dans ses bras, et j’ai joui à mon tour les yeux sur le DVD, et ma langue noyée dans sa bouche. Ce matin nouvelle jouissance, très différente, une nappe de sperme épaisse qui s’écoule plus qu’elle ne jaillit – hier mon sperme a frappé le mur au dessus de moi avec un bruit sec, Jean-Pierre poussait des exclamations de plaisir, parce que mon plaisir était intense, et qu’il en était l’instigateur.
Je vais bien.
C’est une phrase stupide, je le conçois, mais elle m’est nécessaire. Lundi matin, je suis nu face à l’écran, face au journal, je n’attends de la journée aucune surprise, bonne ou mauvaise, il faut que j’appelle le Ricochet pour prendre rendez-vous avec Marguerite, elle veut en effet que l’on discute du texte sur la peur et le rituel, le texte pour Jean-Pierre. Françoise m’a demandé samedi soir : elle va te publier ? Je n’ai pas su lui répondre. J’ai travaillé Narcisse hier après-midi pendant que Jean-Pierre avalait la notice des Premiers Contacts avec son nouveau portable : le G4 a pris la place de mon iBook, qui a trouvé une place de choix sur la table transparente du salon, branché en permanence. J’ai travaillé Narcisse, j’ai travaillé pour Kinu, et pour moi, j’ai à nouveau, je sens, l’envie de m’investir dans mes textes, c’est revenu enfin. Il y a des choses à faire, des choses en cours, d’autres à commencer. Je vais bien, je me sens bien, je vis, j’aime, je jouis, je travaille, je dors – j’ai peur, la nuit, toujours, mais pas de bémols à mon sentiment de bien-être, pas ce matin, je les récuse.
_résidence Laurent Herrou | Avant | 12 mai 2003
écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne
et dernière modification le vendredi 24 mai 2013