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notes du dehors #2


deuxième note sur les métropismes, hors du métro, à Saint-Sulpice

 
 

Sur le chemin, sous la ville, sur la page ou l’écran, dans la nuit, dans les rêves, un ascenseur ou le métro, je ne trouve pas toujours la bonne entrée, la bonne porte, la bonne fenêtre, la bonne sortie. Si entrer quelque part va m’occuper et me préoccuper un certain temps, la désorientation (quand elle n’est pas choisie ou volontaire, quand je n’y suis pas préparé) peut me paralyser, modifier mon comportement, mes gestes, mon rapport aux lieux, aux choses, à l’autre et à la langue.
Mais où est la sortie ? il faut que je sorte de là, que je respire, vite je meurs, de l’air !
Dans ces moments-là, est-ce vraiment la sortie que je cherche ? Ne vais-je pas plutôt chercher à fuir ma propre peur de mettre en contact mes personnages intérieurs (toutes ces voix trop souvent inconnues qui prennent chaque jour possession de mon corps : mes locataires) et les autres (qui sont assis à côté de moi, qui ressurgissent du passé, qui parfois n’ont plus de lumière dans les yeux ou au contraire me brûlent) ? Comme il y a un double mouvement dans le fait de se déplacer immobile, n’y aurait-il pas un double mouvement dans mon attitude et mes réactions : un en-avant qui chercherait à créer un déplacement dans le mouvement et l’autre (mouvement inverse de recul) qui ne penserait plus qu’à prendre la fuite ?
Pour tenir le coup dans les espaces confinés, viciés, surchauffés, sous la ville ou dans les rames des métros (bref : pour se sortir de ce déséquilibre, ce vertige), il m’est arrivé à plusieurs reprises de décentrer ma manière d’être au monde et mon regard, de les déplacer légèrement. Je crois que c’est comme ça qu’est né le premier métropisme : dans la recherche de la preuve de ma présence, voire de mon existence en cet endroit et à cet instant précis, entre les mots tus, entendus, les mots dits, les motifs et les cris ; parmi les rires ou les rixes et les mouvements d’humeur ; au milieu de l’ennui, du bruit et de la nuit ; face à la candeur, la verdeur, la rancœur et les formules qui fourmillent ; par la langue, la rentrée, la pendue, la chargée ; à travers les gestes arrêtés, refusés, accomplis et dans le regard de l’autre.
Il est possible aussi que je fasse fausse route : dans les à-coups, les arrêts intempestifs, les accélérations soudaines, les cris des alarmes, les coupures de courant, les rondes des flics et des militaires, les messages de service, les moments de tension et au milieu de la mêlée c’est peut-être le futur voyageur malade ou le prochain accident de personne potentiels que je cherche à faire sortir de là et non moi.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le lundi 10 décembre 2012

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