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kwakizbak #40


 
 
– Je ne suis pas à une honte près, même que je les collectionne depuis longtemps et les range par famille, même que je les étale régulièrement, les trie, les mélange et les classe à nouveau, les archive du mieux que je peux.
– Ça ne tient jamais longtemps, c’est fragile et susceptible ces choses-là...
– Je n’abandonne jamais même si elles finissent par se ressembler. Quand elles ressortent je leur attribue des catégories et si je ne sais plus quoi en faire, je les jette.
– Oui mais elles reviennent...
– Les garces.

Silence.

– Je ne t’ai jamais dit ça mais j’ai honte d’avoir été heureux deux jours de suite et de m’être moqué de toi, j’ai honte d’acheter autant de paracétamol et d’ibuprofène, j’ai honte de me trouver beau et d’avoir joui dans ta salle de bain, j’ai honte d’avoir aimé un nain de jardin, j’ai honte de transpirer, j’ai honte de ma merde, j’ai honte d’être une feignasse, j’ai honte d’avoir mal supporté tes épaules et d’avoir pensé Je vais t’exploser la gueule, j’ai honte d’avoir bandé chez le médecin, j’ai honte d’avoir mangé tes sardines et ton pop-corn au lever, j’ai honte d’avoir parlé dans l’autocar avec quelqu’un que je n’aimais pas et d’avoir détroussé un contrôleur alors qu’il était en train de remplir un procès verbal, j’ai honte de ne pas travailler et de m’acheter en gros ce que je veux, j’ai honte d’avoir encore envie de Kudakud au moins trois fois par jour et de me masturber en pensant à Shelle, j’ai honte de boire autant de bouteilles en moins d’une heure, j’ai honte de puer de la chaussette, j’ai honte d’avoir fumé de l’opium devant la tombe de ton grand-père, je n’ai pas honte de penser que le président de la république est un Fieffé Connard mais j’ai honte de crier ma haine, j’ai honte d’avoir profité d’un esclave poldavien et d’avoir été, le temps d’un CDD, chien de garde dans un cimetière germinois, j’ai honte de ma mère, de mes pères potentiels, j’ai honte de paraître ridicule et de faire le fier, j’ai honte d’être colmaté, j’ai honte d’avoir fui la vie active, j’ai honte d’avoir été en bras de chemise au cœur de l’hiver, j’ai honte de râler devant ta porte, j’ai honte de mes poils blancs, de ma barbe qui durcit, j’ai honte du caïman dans mon œil, j’ai honte des cervelles et des rouages, j’ai honte de plaire, j’ai honte d’être enchaîné à mes stupidités, j’ai honte de croire que tout arrive si on sait y faire, j’ai honte d’être un survivant, j’ai honte de n’être rien de moins que ça, j’ai honte d’alarmer les mères devant les grilles du parc et d’irriter mon âme électrique, j’ai honte des perroquets sur les branches et de croiser des rascasses dans mon assiette, j’ai honte de filer très souvent à l’anglaise, j’ai honte de garder mes vieux jours dans ton lit, j’ai honte de la mère salée et de ses mystères, j’aurai honte de scruter ma gueule dans le miroir demain, j’ai honte de mes cervicales qui craquent, de mes chorégraphies, j’ai honte du cinéma que je te fais, j’ai honte d’être un deux pièces sans vis-à-vis, d’avoir le cul entre deux chaises, j’ai honte d’avoir posé nu devant un caméraman galouzien et impuissant, j’ai honte du regard de la foule quand je chante l’hymne officiel de la marine, j’ai eu honte de m’exposer dans ta cheminée, j’ai honte de ce que je suis en train de faire, j’ai honte de te demander si je peux, cette nuit, cette nuit seulement, pour la dernière fois, dormir chez toi.

Bougnat apporte-nous du vin, celui des noces et des festins, Kwaky est revenu, amis ne comptez plus sur moi, je crache au ciel encore une fois fucking Kwaky puisque te v’là te v’là.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le mercredi 14 avril 2010