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kwakizbak #36


 
 
– L’amour, qu’on ne m’en parle plus, me dit Kwakizbak en faisant une nouvelle fois ses valises.
– Où vas-tu, que vas-tu faire ?
– Je vivrai désormais avec un campagnol et un chat, nous serons tous trois castrés, nous n’aurons plus de sentiments, nous jouerons aux cartes en fumant des barreaux de chaise, les verres seront toujours remplis et nous écouterons du fado à nous en mordre les lèvres. Parfois je lirai à haute voix un passage d’un livre de Kaya Lakaya ou de Jojo Bretzlee. Mon campagnol voudra chanter une chanson des Barbes-à-ras, mon chat branchera sa guitare électrique et nous prouvera que le rock n’est pas mort. Nous aurons dix-sept ans jusqu’au bout du monde. Nous jetterons nos sesterces sur le tapis, nous nous agiterons le bocal contre la rampe, nous convoquerons l’actrice blonde qui put the blame on Mame pendant que la brune nous fera les poches. Nous savourerons nos fadaises, nous pousserons nos corps jusqu’au loin, le quai d’abord, la ligne d’horizon ensuite. Nous chercherons de quoi nous défouler dans les catalogues en ligne, nous passerons notre commande par téléphone histoire de nous réconcilier avec les robots, nous demanderons à recevoir dans les plus brefs délais ce vieux bonhomme qui vient du froid (comme le dirait la publicité, la meilleure affaire du mois qui plus est), nous lui raserons la barbe et nous nous coucherons dessus. Nous prendrons le gauche, nous serons prêts à nous dissoudre dans la ouate et l’au-delà. We’ll die alone, together.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le mercredi 31 mars 2010