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kwakizbak #29
Kwakizbak doute de son statut de vivant. J’ai beau lui répéter qu’il est frais comme un gardon, comme il aimerait en avoir le cœur net, il décide de faire le tour de son quartier (qui est également le mien puisqu’il a élu domicile sous mes fenêtres depuis que Ouiledekud est partie avec sa mappemonde).
Assistant d’abord aux premiers gestes du fleuriste épaulé par trois septuagénaires, il se met à marcher dans les pas d’un enfant qui transporte sur son dos un bout de la planète. Pendant que les nuages se mordent les lèvres et tandis que le vent du matin joue avec les pommettes, Kwakizbak se déhanche soudain pour mieux voir le cafetier en train de se fêter en compagnie de ses habitués qui seront tous pleins à onze heures.
Je n’ai pas besoin de l’accompagner. Je sais bien qui de l’autre côté de la rue longue et étroite se tient dans l’entrebâillement de sa porte. Et ce matin Kwakizbak va jusqu’à lui tendre la main mais le cordonnier la lui refuse.
– Laissez-moi tranquille maintenant, j’ai du travail moi.
Kwakizbak rentre, l’éthique en bandoulière.
– J’ai comme l’impression de me retrouver dans une ville étrangère, dit-il, il faudrait que je pense à envoyer des cartes postales.
– Mais tu n’as jamais de timbres sur toi. Et puis à qui écrirais-tu ? Ne m’as-tu pas dit que tous les gens que tu connaissais étaient morts ?
– Tu ne comprendras jamais rien à rien, hurle-t-il alors ; c’est moi le zombie, pas les autres, c’est moi qui ne suis plus là, qui voudrais donner des nouvelles depuis le lieu de mon absence.
écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne
et dernière modification le samedi 27 février 2010